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avr 20

De la télévision Suédoise

Pas assez de politique, pas assez de débats, voilà le commentaire que l’on pourrait faire au sujet de Scandicafé. Ça tombe bien puisque l’objet de ce billet est justement de discuter de la télévision Suédoise et de ses affres. Surtout de ses affres, d’ailleurs, puisque comme en France, le scandale y naît, y croit et y fructifie. Le scandale, tout d’abord, des programmes qui réussissent à faire passer TF1 pour une chaîne culturelle et le scandale ensuite des publicités qui, loin de se contenter d’atteindre les sommets de bêtise des Françaises, les surpassent. Un charmant petit monde, donc, sur lequel il faut aussi se pencher si l’on veut prétendre à l’objectivité en décrivant cette belle contrée septentrionale dans laquelle nous siégeons, Aurélien et moi-même.

1 Consommation Suédoise de télévision

des boulets devant la télé

La première chose qui m’a dérangé dans mon nouveau logement, dont il faut au préalable rappeler qu’il est très confortable et accueillant, c’est le temps que passent les ados de la maison devant la télévision. Bien sûr, les écrans plats, les ordinateurs, les ipads et les téléphones sont monnaie courante, mais il me semble que la télévision a une prédominance certaine et assez néfaste. Par ailleurs, les repas sont éclatés et chacun mange dans son coin (ou ensemble, mais seulement quand le hasard fait que deux personnes se rendent à la cuisine en même temps) et personne ne conçoit de demeurer dans le silence alors que le poste est là, à quelques mètres, et que la télécommande gît sur la table. Le poste est donc constamment allumé, pub comprise, ce qui a pour conséquence d’empêcher le dialogue la plupart du temps. Ôtez le bruit ambiant généré et vous constaterez que tout le monde mange en réalité sans piper mot. Ce n’est d’ailleurs pas rien de dire que je me suis senti au début aussi gêné que lors d’un repas de famille qui se déroulerait dans un silence pesant, sans un regard échangé. Pour nuancer, je dirais cependant que d’après mes collègues de bureau, ce comportement n’est pas vraiment la norme et que nombre de ménages suédois ont encore des repas collectifs. Et puis le sujet initial est la télévision, bordel. À ce propos, donc, et afin de prendre contact avec ma famille d’accueil, je regardais avec quelques uns les programmes de la TV afin de pouvoir discuter subrepticement malgré tout. Et ce que je vis fut édifiant.

2 Télé-réalité, réelle en France, réelle en Suède, réellement nulle

humourJe me souviens qu’un jour que je traînassais sur Internet, j’étais tombé sur la vidéo d’une cérémonie de remise des EMI awards, récompense que s’auto-octroie la télé américaine pour ses plus grands succès en terme d’audience. Pour cette cérémonie là, les présentateurs étaient Jon Stewart et Stephen Colbert, deux humoristes qui ont pour habitude, conformément aux coutumes humoristiques Américaines d’une grande violence, d’égratigner tous les sujets qu’ils abordent, des médias à la politique. Et ce soir là, ils firent rirent toute l’assemblée costumée réunie sous une immense coupole de verre en se moquant de la télé réalité et en sous-entendant clairement que le principe même de ces programmes était de faire de l’antenne avec du vide et d’employer tous les penchants naturels des téléspectateurs pour les faire regarder des chaînes exemptes de tout contenu susceptible d’avoir une quelconque valeur dans quelque domaine que ce soit. Et la salle rit. Jaune ? Peut être. Mais elle rit néanmoins avec une belle ferveur. Et j’eus le sentiment de me trouver là en face d’une vaste foule, riant de ce qu’elle exploitait le temps de tous les américains en les enchaînant à leurs pulsions les plus abjectes, en leur faisant toucher du doigt ce qu’il y a de plus commun, de plus insignifiant, en se servant de leurs (de nos) tendances malheureuses à écouter les ragots et à prêter l’oreille à la rumeur. Ces gens, qui tirent ainsi de la faiblesse de leur concitoyens une fortune immense, riaient de bon cœur à la cocasse plaisanterie qui consistait à rappeler combien leurs programmes étaient absurdes et ridiculement cons.

Il me semble que cela résume assez mon état d’esprit quand on vient à parler de télé réalité. Pourtant, afin de partager quelques moments avec la petite famille locale, il m’a bien fallu me livrer à quelques compromissions et regarder les émissions préférées des ados ; de Jersey Shore à Big Brother en passant par toute une série de dessins animés à la mode des Simsons, je visionnais d’abord tout cela d’une manière impartiale. Et le résultat dépassa en vacuité tout ce à quoi je m’attendais, et vous l’aurez compris, je ne m’attendais pourtant vraiment pas à grand chose.

1.1 Jersey Shore

des têtes de glandCommençons dans l’ordre chronologique, en s’épargnant néanmoins tous les peplums usuels montrant d’obèses personnes parvenant à maigrir grâce à de surhumains efforts. Jersey Shore est donc la première émission digne d’un billet sur scandicafé que j’aie vue en Suède. Le concept n’est pas très dur à appréhender : des jeunes de 20 à 30 ans travaillent piteusement dans un magasin de T-shirts et s’adonnent au plus de soirées possible avec force consommation d’alcool et sans oublier que le principal intérêt du jeu et de garnir son carnet de chasse à la guenon. C’est tout. Nul besoin de se fendre d’un quelconque scénario, d’une intrigue, d’un fil conducteur, non, la débauche se suffit à elle-même quand on est réalisateur d’émission sur MTV. Et qu’on ne se méprenne pas, loin de moi l’idée de défendre ici une société morale et empreinte de vertu, il me semble simplement qu’il n’y a pas dix ans, toute personne censée de mon entourage aurait au moins été perplexe devant une telle émission. A quoi bon ? Voilà la réaction que n’importe qui devrait avoir en tombant sur ces inanités. Et peut être est-ce le cas pour une majorité de Français, mais en Suède, à l’heure du repas, personne ne s’émeut de ce que l’on regarde forniquer à l’écran tandis que l’on découpe le les filets de colin d’une main et qu’on asperge de Ketchup les pommes de terre de l’autre. Ahurissant.

1.2 Big brother

logoAttendez, ça n’est pas fini ! Malgré quelques discrètes protestations de ma part, (et après une série de feuilletons sur les zombies agréablement décomplexés par rapport aux giclées de sang, aux cranes en décomposition et aux membres épars livrés au broyeur, le tout exécuté avec humour) il nous arriva de regarder le grandiose phénomène Big Brother. J’appris à l’occasion que notre triste loft story, dont il me semble que le concept a fait long feu en France, puisque seule la chaîne caniveau TF1 conserve encore des idées aussi imbéciles dans ses programmes, est en réalité postérieur à Big Brother dont l’avènement éclata depuis la Hollande, un pays qui jusque là, n’avait pourtant pas été la source de trop d’emmerdes. Eh bien, pour un début, il y sont allé violent, les Néerlandais ! Il faut en effet jouir d’une sacrée dose de perversion, d’autisme historique et d’une insondable bêtise pour nommer un programme de télévision basé sur l’abolition de la vie privée et l’espionnage permanent « Big brother », c’est à dire le nom propre qui désigne le plus communément du monde ce qu’un siècle de littérature d’anticipation à pu dénoncer d’atroce dans la société moderne et ce, précisément, afin de l’éviter. Bravo pour l’idée, bravo pour la réalisation de l’émission, bravo pour l’avoir produite et bravo encore pour l’avoir diffusée. Voilà bien l’illustration parfaite de la belle brochette de connards qui se pavanent d’un bout l’autre de l’appareil de production télévisuelle. Permettez-moi de vous suggérer quelques idées : Dans « La jungle Birmane » les participants pourraient tirer les résultats de leur élection aux dés, les candidats vainqueurs décidant de qui a le droit de se présenter au tour d’après. « Le Khmer qu’on voit danser » pourrait voir tous les candidats isolés dans les chambres d’une grande maison, le maître du jeu allant voir chacun d’entre eux et proposant à tous de voter pour la survie d’un de leurs camarades et pour la punition d’un autre. On fait les compte à la fin et le perdant est emmené dans une mystérieuse salle du sous-sol d’où il ne revient jamais. Ou encore « Un ticket pour Auschwitz ». 20 candidats enfermés dans un loft monté sur rail et qui roule à travers là campagne. Tous les jours, un nouveau nom de ville Allemande et celui qui parvient à trouver la position du train gagne le droit de sortir. C’est pas mal, non ? Non ? C’est dégoûtant ? Je suis pour le moins d’accord.

humour2Mais outre ce titre effrayant, l’épisode que j’ai vu m’a particulièrement marqué : le somptueux appartement était pour l’occasion divisé en deux, une partie « riche » et une partie « pauvre », bien identifiée par le fait qu’on avait répandu des vieux pneus partout et que les sanitaires étaient dans un état catastrophique. La moitié du groupe profitait des chics appartements pendant que l’autre était censée jouer aux misérables. Des misérables avec plein de gel dans les cheveux, faut quand même pas déconner … Et à la suite de défis ringards et petits bras, certains gagnaient le droit de repasser dans la partie « riche » tandis que d’autres, déchus, étaient au contraire jetés dans la fausses aux pauvres. Mais faut il qu’il n’y ait aucune limite à l’écœurant ? Ces gens ne connaissent donc pas la décence ? Comment peut-on humainement, dans une villa high-tech peuplée de fashion-victimes, singer si lamentablement des inégalités sociales sans se rendre compte à un seul instant de l’insulte aux démunis que cela représente ? j’étais pantois.

 3 Publicité et convergence des contenus

J’arrête de parler de Big-Brother, sinon, je vais vomir. Et j’arrêterai d’ailleurs de parler tout court, une fois évoquée la publicité Suédoise. Il faut pourtant en passer par là, car, plus qu’en France, j’ai observé un phénomène assez inquiétant. Rien de grave, je vous rassure, vu qu’il n’y a de toutes façons plus aucun espoir pour la télévision depuis belle lurette.

humour3D’abord, il faut dire que la fréquence des publicités est encore plus endiablée ici que par chez nous. Vous râlez lorsque votre film s’interrompt en raison de la nécessité absolue de vous présenter maintenant tout de suite le dernier shampoing aux extraits de fenouil ? Vous adorerez la télévision Suédoise où les films à suspens sont coupés de plus en plus fréquemment à mesure que se déroule l’histoire et donc que le stress monte. Voilà la publicité à fréquence variable. On arrête pas le progrès.

Notez aussi que rien n’est épargné par les tentacules de la pieuvre marketing. Il y a donc une coupure publicitaire pendant les informations. Un des ados m’avouait également avoir été surpris un jour par une coupure publicitaire entre la fin d’un épisode des Simsons …. et le générique ! Qu’on fasse immédiatement parvenir à l’auteur de cette brillante idée la légion d’honneur ! Et comme si ça ne suffisait pas, trois ou quatre publicités dans chaque série sont répétées en début et en fin de séquence, afin que l’on n’ait décidément aucune chance d’échapper au slogan. On ne sait jamais, des fois qu’on n’ait pas été totalement concentrés la première fois.

Mais ces déviances sont usuelles. Le nouveau paramètre choquant et la convergence manifeste des contenus. Deux tendances opposées ont pour même effet de niveler le contenu (si contenu est un mot approprié) des chaînes de télévision. D’une part, les spots publicitaires se complexifient et intègrent de plus en plus de bribes d’information. Le but est évidemment d’attirer l’attention du pauvre téléspectateur, habitué à repérer la fin des pubs par détection du contenu. Vous entendez parler de nouvelles technologies, d’un épisode de la vie de louis XV ou de sport et vous redressez automatiquement la tête : puisque les pubs sont nulles, raz les pâquerettes et lourdes de chez lourdes, ces informations indiquent sans doute la fin de la coupure. Et bien non ! Nous avons tous plus ou moins déjà expérimenté la pub « trollface » qui fait semblant de parler de choses intéressantes. Les pub se complexifient donc. Et dans le même temps, il se trouve que (je viens d’en parler pendant une heure et demie) les contenus des programmes entre les coupures de pub s’effritent ! Et en plus, on voit se multiplier les références publicitaires vaseuses à l’intérieur des émissions. Le héros conduit une Volvo ; le geek joue à la Nintendo chiotte de dernière génération ; etc.. Vous voyez venir l’astuce ? En regardant MTV et même les autres chaînes, j’eus soudainement la vision d’une télévision totalement homogène où les émissions ont fusionné avec les publicités environnantes et où tout n’est qu’une masse informe constituée de suspens, de bagnole, de sexe, de crème épilatoire, de blagues de merde, d’aspirateurs, etc.. Vous voyez le topo, la télévision en mode sandwich. Impossible de zapper la pub puisque l’émission EST la pub. Fini, les pauses toilettes ; fini, les évasions en baissant le volume ; fini le zapping à la pub, consistant à changer de chaîne chaque fois qu’on tombe sur du savon. Maintenant, c’est soit émission + pub, soit rien. Le monde de rêve des publicitaire, le cauchemars de tout un chacun.

4 Mais que faire ?

Il serait totalement irresponsable de ma part d’achever ici cet article sans donner un début de solution à ce problème qui accable chacun d’entre nous quotidiennement. Bien entendu, la solution la plus simple pour lutter contre l’invasion publicitaire consiste à déserter le navire, à couper sa télévision puis à la revendre ou à la détruire et éventuellement à déménager là où la nature n’a pas encore perdu ses droits, le plus loin possible de cette civilisation de merde. C’est pour une part l’objectif qui était le mien en partant en Suède, mais à Stockholm, c’est un peu raté. On verra bien dans 6 mois si ça va mieux, c’est à dire lorsque j’aurai demandé ma mutation dans une mine de fer à Kiruna. Pour ceux qui ignorent où se trouve Kiruna, placez vous devant une mapmonde et levez la tête … un peu plus haut … encore … voilà, c’est par là.

Malheureusement, la lutte par l’abstinence n’est qu’un abandon sans effet sur le mal et demeure difficilement praticable face à des publicités qui, précisément, exploitent la faiblesse de notre esprit pour nous empêcher de nous libérer. Il nous faut donc faire face à l’ennemi. Commençons par un constat simple : les publicitaires devraient nous payer pour que l’on regarde la publicité. Invraisemblable, vous dites vous. Et pourtant :

  • La publicité s’impose à vous sans que vous l’ayez demandée ;
  • La publicité cherche à vous atteindre par tous les moyens et ce en envahissant des zones toujours nouvelles sur lesquelles il est difficile de légiférer (les fonds de caddies, les sites internet, les voiles des bateaux, tout y passe).
  • La publicité, enfin, vous prend donc du temps pendant lequel vous produisez un effort de concentration alors que vous ne le désirez pas et pour lequel vous n’êtes pas rémunéré.

Au total, on peut voir la population comme un immense réservoir à temps d’attention, disponible d’une manière ou d’une autre, dont les publicitaires profitent gratuitement, alors que le visionnage d’une publicité s’apparente quasiment à du travail. En poussant le bouchon un peu plus loin, cela permet de comprendre un peu mieux des choses qui nous paraissaient un peu étranges au début mais auxquelles nous sommes aujourd’hui habitués : comment un site web peut il fonctionner uniquement grâce à la pub ? Comment les agences de pub peuvent-elles générer autant de revenus alors que toutes les pubs sont nulles et donnent l’impression qu’un gamin de 5 ans pourrait faire mieux ? Comment se fait-il qu’un journal puisse être gratuit uniquement grâce aux revenus des pubs qu’il contient ? Eh bien … parce que tout l’argent nécessaire pour faire tout ça est en quelque sorte le fruit du travail non rémunéré fourni par nous tous lorsque nous subissons la pub. Un exemple marquant ? Certains sites web interdisent l’accès aux personnes disposant d’un logiciel de suppression des pubs sur leurs pages. Logique … Pas de travail, pas de salaire. Pas de visionnage des banderoles, pas d’accès au contenu.pub géante

Je vous l’accorde, il faut vraiment détester les publicités pour voir les choses de cette façon. Mais nous tomberons au moins tous d’accord pour dire que la publicité est une nuisance. Et il découle de cette constatation une première piste : pourquoi ne pas taxer la publicité à titre spécial pour occupation du temps des citoyens ? Après tout, il n’y a aucune raison pour tous ces spots s’imposent à nous. Qui n’a jamais eu l’impression de se faire baiser menu par le propriétaire du cinéma qui vend aux marchands le fait établit qu’on ne peut pas ne pas prêter attention à leurs produits à la con lorsqu’ils s’affichent grossis 346 fois à l’écran, comme si on nous les collait à la gueule ? Dans le jeu, nous payons (cher) la place et nous subissons la nuisance. Je propose d’inverser cette tendance de la manière suivante : nous payons toujours (sinon c’est du communisme) et en échange de la nuisance, nous touchons une indemnité. Ça va quand même beaucoup mieux comme ça, non ? Oh, bien sûr, l’indemnité prend la forme d’une taxe de l’état sur les produits publicitaires tous genre confondus, pas d’une redistribution directe à la sortie du cinéma; cela va sans dire. Le marché de la publicité s’effondrerait ? Mais serait-ce une si grosse perte ? Je vous le demande.

À cela devrait logiquement s’ajouter une guerre spatiale consistant à diminuer par tous les moyens la surface occupée dans notre quotidien par la pub, affiches, panneaux, écrans, prospectus, etc. Le mètre carré pourrait même être une bonne mesure pour évaluer le degré de nuisance. C’est d’ailleurs déjà le cas puisque je rappelle que les panneaux publicitaires sont interdis en dehors des villes, bien que la loi soit généralement totalement ignorée, et que seuls certains habitants très motivés ont ça et là réussi à faire démonter d’immenses panneaux publicitaire, comme à Comboire, une petite commune près de Grenoble. Et puis franchement, quand vous voyez les écrans plats qui commencent à fleurir partout dans le métro, ça vous fait rien ? En tant que geek, à chaque fois que j’en vois un, je m’émeus … Tous ces écrans plats coûtant un bras pièce installés dans la rue dans le seul but de nous pourrir la vie … Toute cette technologie de pointe gaspillée de cette manière, tous ces métaux rares ainsi consommés, tous ces déchets que cela générera par la suite … juste pour nous nuire … monde funeste …

Si vous lisez cette ligne, c’est que vous n’aviez vraiment rien d’autre à faire de votre journée.

Corentin

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  1. Hag
  2. Hag
  3. corentin38
  4. Gildas
    1. Aurélien
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  5. CheckSam
    1. Aurélien
  6. Kouët

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