1. Au départ de Stockholm, la précipitation et la pagaille
La fin de Juillet approche, la semaine vient de se terminer par un long vendredi morne et la fébrilité est partout. L’organisation est un vice qui peut retarder les voyageurs les plus aguerris ! Voilà les pensées qui me volettent à la tête alors que je guette la fin de la cuisson de mes cookies de voyage pendant que je rassemble quelques nourritures supplémentaires pour les jours difficiles à venir. « Ne pas oublier ma brosse à dent ». La phrase repasse de temps en temps devant mes yeux, réduisant mon efficacité à presque rien en occupant le cache réduit de mon cerveau. Les doigts plein de chocolat et de farine, je réponds à un message de Gildas sur l’ordinateur que j’avais pourtant juré jadis de protéger de ce fléau qu’est la graisse. « Non, je ne suis pas encore parti » ; « Des retards, oui, je les accumule » ; « Sans doute vers huit heures ». Je pense alors au piano et au lourd amplificateur que je n’ai toujours pas préparés pour le chargement. Ce sera pour plus tard. Les cookies d’abord. À peine ai-je le temps de dévaler un escalier à la recherche d’un je ne sais quoi négligé à la première passe.
Pourtant, à huit heures, le soleil faiblissant et ses rayons peu assurés tombent toujours délicatement sur le toit de mon transport débordant de matériels hors de prix et aux portes généreusement ouvertes au premier venu alors que je repars vers la maison en quette du bagage suivant. Le temps presse désormais. La route est longue et il faut à tout prix arriver avant minuit pour coordonner l’arrivée de mes lointains collègues de l’ouest. Je bondis, je vérifie, je ramasse, je réfléchis ; tous les préparatifs passent en revue dans ma tête affolée. L’oubli est la cible et il ne pardonnera pas, s’il parvient à s’échapper. Que dire de cette la fois ou j’avais laissé ma pompe à vélo au garage alors que je partais pour une longue promenade cycliste ? Et combien de fois mes lèvres endurèrent les violents assauts du froid sans le moindre stick protecteur dans mes valises ? Cette fois, j’étais décidé, méthodique et précis. Du moins, le pensais-je …
2. En route sur les francs chemins Suédois
Il est maintenant trop tard pour faire demi tour, mais la sérénité m’a gagné doucement et je conduis avec la force de celui qui n’hésite pas. La route est claire, les rayons rasant baignent la campagne d’une féerique lumière orangée. Si ce n’étaient cet asphalte nauséabond et ces autos dégoûtantes, l’on eut pu admirer là l’ouvrage des millénaires sur notre planète rocheuse. Les lacs le succèdent aux prairies bordées de forêt sans fin apparente et le soleil n’en finit pas d’achever sa course en sublimant ce paysage comme on l’eut imaginé tout droit sorti d’un roman de Jack Vance. Plus de traces des glaciers colossaux des temps immémoriaux qui emportèrent, raclèrent et poncèrent enfin ces reliefs doux et envahis aujourd’hui à mi hauteur par l’eau claire.
Je roule vite, les yeux rivés sur la jauge à carburant, me livrant à des calculs d’économe sévère. Pourrais-je atteindre Örebro en n’utilisant que la moitié de ma réserve ? Peut être même Halna ? Je frémis à la perspective d’un commerce d’essence en plein arrière pays. Les temps sont durs et les prix ne se négocient plus. Je dépasse une auto cacochyme et monte le son de l’autoradio pour oublier ces considérations nuageuses.
Je me rapproche du but. Le réseau secondaire n’est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, encombré de touristes ! Parfois, une lueur au loin indique un monchu de sortie. Un précautionneux changement de phare ne tarde alors jamais de ma part, attentif que je suis au respect des autres usagers des voies municipales. Pourtant, après quelques kilomètres, me voilà perdu au milieu de forêts paisibles et maintenant totalement englouties par la nuit, croisant parfois une de ses agglomérations scandinaves très peu dense et étalée sur de vastes surfaces, paisiblement endormie. En vaillant homme de principes, je ne dévie cependant pas de mon cap et, par un itinéraire de secours prévu à l’avance et n’occasionnant qu’un détour minime, je retrouve vite mon chemin et m’approche alors enfin d’Halna.
3. De Norvège en Sylla
À l’arrivée, le calme d’Halna frappe de premier abord. Je me dépêchais de garer la voiture et de couper son bruyant moteur, trouble intempestif à la douceur et au silence des lieux. Tout semble dormir devant cette grande maison rouge sombre aux arrêtes blanches. L’église du village a quelque chose de méditerranéen avec ses murs blancs et son toit noir, avec un indescriptible arrière goût nordique. Les grands conifères qui bordent l’entrée m’accueillent en faisant siffler leurs branches dans la douce brise nocturne. Il y a là, garé, le transporter de mes parents, inanimé et rien de plus. Pas de trace de mes amis, partis pourtant, je le suppose, au même moment que moi de leur logis occidental.
En réalité, ils n’arrivèrent que bien plus tard, après force kilomètres inutiles et moults efforts pour tenter de faire fonctionner ne serait-ce qu’un seul de leurs trois GPS. La route obscure qui mène à Töreboda est tortueuse et indiquée avec la plus grande parcimonie. Aussi, ne leur en voulais-je pas trop lorsqu’ils arrivèrent enfin, exténués, à 2h30 du matin. Les retrouvailles avec mes parents et Leif et Sandra étaient faîtes depuis bien longtemps et nos couches n’attendaient plus qu’eux. Nous nous endormîmes donc rapidement, remettant à demain des retrouvailles joyeuses.
4 Bon, des photos, là, merde !
OK, ok, ça va, faut pas s’énerver !